
À 600 km au Sud de Tahiti se dresse comme un rocher au milieu de l’archipel des Australes : Rurutu, ou Eteroa “le grand panier”, de son ancien nom. Paisible, accueillante, dépaysante. C’est dans ses eaux claires que quelques privilégiés viennent chaque année observer le ballet des baleines à bosse. Alors que la saison fraîche touche à sa fin, les derniers cétacés se dirigent vers le Sud… et les festivités du nouvel an se préparent doucement.
Lorsque la silhouette de Rurutu apparaît à travers le hublot de l’avion, l’île fascine déjà par sa géologie singulière. Ses falaises abruptes se jettent dans l’océan et on distingue ça et là de multiples cavités et grottes à découvrir. Les aventuriers se plairont aussi à sillonner les montagnes de l’île. Les moins téméraires profiteront des températures chaudes de décembre et janvier pour se prélasser sur les plages de sable blanc de Vitaria, Avera ou Naairoa. Cherchez un peu, et vous trouverez peut-être la “Plage des Amoureux”, petit écrin à l’abri des regards.
Si Rurutu séduit par sa diversité d’activités, c’est surtout sa population qui marque chaque voyageur : chaleureuse, familière et profondément fière de ses pratiques culturelles encore préservées. Par temps de grand soleil, on peut voir un peu partout les longues feuilles de pandanus en train de sécher, afin d’en faire du pae ore, matière première qui sert à la confection de multiples objets de vanneries. Les māmā aux mains expertes réalisent ainsi les plus beaux sacs et chapeaux au tressage fin et aux motifs complexes.
Dans les trois villages de l’île – Moerai, Auti et Avera, la nouvelle année est une période particulièrement animée : les jeunes profitent des vacances de Noël pour rentrer chez eux et fêter en famille le tomora’a ‘are et le tere ā’ati. Deux célébrations qui rappellent l’importance de la transmission mais également du partage, en ce début d’année.
Tomora’a ‘are, le tour des maisons
Alors que les murets blancs des villages sont repeints à la chaux, on s’apprête à célébrer le nouvel an. À Rurutu, on ne se contente pas des feux d’artifices et du traditionnel réveillon de la Saint-Sylvestre : on débute l’année avec le tomora’a ‘are, le tour des maisons de l’île. Le cortège de visiteurs, mené par un comité, s’invite dans chaque maison du village. C’est le moment où on prend le temps de contempler les habitations qui ont été minutieusement nettoyées et préparées afin d’accueillir tout le monde.
On admire avec attention les plus beaux tīfaifai, les pota’ata’a (pēue rond) et autres objets ornementaux, disposés sur les lits ou accrochés aux murs, pour le plus grand bonheur des curieux. Chaque invité est accueilli à coup de talc ou d’eau de cologne bon marché. Une fois la visite de la maison terminée, chacun peut se délecter de quelques boissons et mets offerts par les hôtes. Puis le cortège se dirige vers la prochaine maison. L’ambiance est festive, musicale, bon enfant. On fait la bise à droite, à gauche, on rit avec sa tante, sa cousine, son grand-père. Ici, tout le monde est de la famille.
Le tour de l’île de Rurutu, le tere fa’a’ati d’avant
Mais l’événement le plus attendu est sans nul doute le tere fa’a’ati ou tere ā’ati en reo rurutu. Chaque village réalise son tour de l’île, à quelques jours d’intervalle. Les voitures, deux roues et même les chevaux sont décorés de ‘auti, ni’au, ‘ōpuhi et de divers végétaux. Le tour débute dans le village hôte où les ‘aito lèvent une pierre pour lancer le tere. Le cortège de voitures est mené par une camionnette depuis laquelle les pahu et tō’ere résonnent.
On s’arrête près de plusieurs lieux où chaque légende y est contée en reo rurutu, le but étant pour tout un chacun de mieux comprendre l’histoire de l’île. Dans les villages voisins, discours, lever de pierre et rafraîchissements attendent les visiteurs. Et lorsque la journée se termine, tout le monde se réunit à la nuit tombée autour du tamara’a tenu par le village hôte. Là, on mange, on danse, on célèbre tout simplement la nouvelle année comme on sait si bien le faire à Rurutu.