
Le cancer est la 2ᵉ cause de mortalité en Polynésie depuis 25 ans. Les facteurs de risque diffèrent selon les types de cancer et se multiplient entre eux ; ils peuvent être génétiques ou environnementaux, liés aux habitudes de vie ou aux activités professionnelles. La prévention permet d’informer sur les substances cancérogènes (l’alcool, le tabac, certains produits chimiques comme l’amiante…), mais cela ne suffit pas : il faut aussi dépister massivement les populations à risque afin de pouvoir prendre en charge les soins le plus tôt possible.
Créé en 2021, l’Institut du Cancer de Polynésie française (ICPF) est une structure novatrice qui regroupe soignants, associations, chercheurs, structures hospitalières en Polynésie et en France. L’Institut coordonne les parcours de soins des patients, mais il est aussi en charge de la recherche, du recensement des cas de cancer au Fenua et de la prévention. Laurent Stien est le médecin responsable du dépistage ; il explique que les dépistages organisés pour les cancers gynécologiques (sein et utérus) touchent environ 40 % de la population ciblée, alors que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) vise 70 %.
“Il y a quatre raisons qui empêchent les femmes d’aller se faire dépister,” explique le Dr Stien. “Déjà, la CPS ne propose pas un rendez-vous automatique à 50 ans, comme c’est le cas en France, donc il faut être sensibilisé. Ensuite, il y a le coût de l’examen ; on a obtenu que l’Institut prenne en charge la mammographie à 100 % pour les femmes de la tranche d’âge concernée. Il y a aussi la barrière géographique. C’est pour cela que nous avons créé le dispositif Tarona Tere, qui permet de faire venir les femmes des îles.”
Une barrière psychologique
Mais la plus grosse barrière reste la barrière psychologique, la perception de la maladie. “Les femmes se disent : “les examens font mal et si j’ai un cancer je vais mourir de toute façon, alors à quoi bon me faire dépister ?”. En réalité, plus un cancer est dépisté tôt, plus il y a de chances de rémission et moins le traitement est dur”, explique encore le Dr Stien. Terii Fougerousse est responsable de la communication à l’ICPF : “Notre grand défi, c’est d’informer et de sensibiliser sans faire peur aux gens”, précise-t-il de son côté. Pari réussi avec des actions toujours plus proches des Polynésiens, comme une journée de dépistage du cancer de la peau organisée le 14 mai dernier et des journées d’information, notamment pour la protection solaire des enfants, le 18 mai sur les plages de la pointe Vénus et PK 18.
Les associations veillent au grain
Les associations du Fenua sont également très actives pour contribuer à la lutte contre le cancer en Polynésie. L’association Amazones Pacific, par exemple, soutient et accompagne les femmes souffrant de cancer ainsi que leurs proches depuis 7 ans. Elle multiplie les événements caritatifs et de sensibilisation afin d’encourager le dépistage et de briser les tabous. Le 7ᵉ tournoi de golf caritatif organisé par l’association à Atimaono le 1ᵉʳ juin dernier a enregistré un nombre record de 116 inscrit.e.s. “L’événement a de plus en plus succès hors association”, nous confie Déborah, secrétaire des Amazones, pleine d’enthousiasme en ce dimanche ensoleillé. “Le tournoi est ouvert à tous, donc pour nous c’est l’occasion d’informer et de sensibiliser sur les cancers gynécologiques, mais aussi de passer un bon moment avec les Amazones et leurs familles.” Un peu plus loin sur le practice, Poema et Brigitte acclament le swing exceptionnel de leur amie et confirment : “ça va peut-être même déclencher des vocations !”.
Juin vert : informer sur le papillomavirus et les risques de cancer
La présidente des Amazones siège au conseil d’administration de l’ICPF et les deux structures ont travaillé main dans la main pour la campagne “Juin vert”, destinée à informer et à dépister le cancer du col de l’utérus. Ce cancer gynécologique est provoqué par le papillomavirus (HPV), une infection sexuellement transmissible pour laquelle on dispose d’un vaccin depuis 2016. “Le vaccin protège de 90 % des souches de HPV susceptibles de provoquer un cancer du col de l’utérus et pour les 10 % restants on peut les détecter très tôt grâce à des frottis réguliers. Autrement dit, c’est l’un des rares cancers que l’on pourrait totalement éradiquer !”, explique le Dr Stien. Un espoir qui est au cœur de la campagne de vaccination pour les 11-14 ans mise en place par l’ICPF en juin, car le vaccin ne requiert que deux doses pour cette tranche d’âge, en plus d’être plus efficace s’il est effectué avant les premières relations sexuelles.
À noter enfin que, cette année, le sujet du cancer mobilise aussi les étudiants. La promo 2025 de la licence Sciences de l’information et de la Communication à l’ISEPP-UCO a consacré son projet de fin d’études aux patients luttant contre le cancer avec Arora’a Roa – Combattre pour la vie, une série docu-fiction en trois épisodes diffusée sur TNTV. Les élèves ont travaillé en partenariat avec l’ICPF et les Amazones. Un engagement vibrant, rare chez les jeunes.